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Pour accoucher il y a des tas de trucs à apprendre. Il y
a même des cours d'accouchement. Des cours !...Vous inspirez,
vous arrêtez de respirer, vous comptez " un, deux...".
Vous respirez la bouche ouverte....Tout cela est bien abstrait pour
qui n'a jamais enfanté. Comme si l'on vous donnait la formule
chimique d'un produit, mais pas son goût. Comment cela peut-il
aider à comprendre ?
Accoucher a un goût de mer et de tempête. Comme un bateau
prêt à affronter l'aventure du vent, le corps doit
être "en ordre", attentif aux impulsions centrales,
et l'esprit en éveil comme un barreur qui prend son quart.
Car les contractions viennent en vagues. Il y en a de toutes sortes,
des courtes, des longues....
Tu lofes pour monter à la lame, tu gardes la barre droite
au sommet, puis tu abats en dévalant le creux... Et voilà
que ton corps, attentif aux mouvements qui l'emportent et le heurtent,
fait instinctivement, et mieux, ce que l'on apprend dans les livres
: Inspirer, retenir son souffle, expirer.
Mais la mer devient hachée. Les vagues sont de plus en plus
hautes et rapprochées. Parfois on en rate une et on en prend
plein la gueule ; le bateau va-t-il tenir ?
Et soudain, c'est une énorme lame qui arrive du fond de toi
et qui t'emporte avec une violence inouïe. Le bateau submergé
part à toute vitesse dans un bruit d'écume assourdissant.
Le sentiment que c'est la fin.
Quel silence alors ! Non, tu n'as pas sombré...Paix totale.
Comme il est merveilleux de sentir son corps.
... Et puis là, cette petite larve toute recroquevillée
qui geint. C'est donc ça l'enfant que j'attends depuis neuf
mois ! Fille, garçon, cette petite oreille, cette grande
bouche. Il va falloir que je fasse de l'ordre dans ma tête...
En attendant, viens petit inconnu sorti des eaux, viens que je te
berce contre mon sein pour que tu aies chaud. La tempête est
finie, dors doucement, dormons."
Geneviève WENDLING
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